Marseille.
Pour ceux qui y vivent, qui y ont grandi ou qui l’ont adoptée, ceux qui ont fait plus que la traverser, Marseille est une ville qui a une âme, qui saisit aux tripes, et ne laisse pas indifférent. Secrète, contrastée, souvent terre d’accueil, parfois d’exil, mais toujours chargée d’émotions : les Marseillais peuvent la décrier à longueur de journée mais ils en sont profondément amoureux.
À l’heure de la mondialisation, des grands projets immobiliers, et du communautarisme grimpant, toutes les métropoles changent de visage. À Marseille, le projet Euroméditerranée refaçonne la ville depuis 1995. Que reste t-il aujourd’hui de l’âme de la ville, de son identité, de sa singularité ?
Pour Albert Londres, Marseille est «une ville qui écoute la voix du vaste monde et qui engage la conversation avec la terre entière».
Pour Jean-Claude Izzo, «naître à Marseille n’est jamais un hasard. (…) Ici, celui qui débarque un jour sur le port, il est forcément chez lui. D’où que l’on vienne, on est chez soi à Marseille. (…) Marseille est familière. Dès le premier regard.»
Ce mythe marseillais existe encore, qu’on le veuille ou non, enfanté par Gyptis et Protis, ses fondateurs. Un mythe que les Marseillais portent en eux, parfois sans même le savoir. C’est une ville à qui l’on appartient et qui nous digère constamment, grâce à la mer.
Aller à sa découverte c’est interroger notre sentiment d’appartenance et notre rapport à l’autre. Marseille, ville de cœur, peut nous apprendre et apprendre d’elle-même, nous connecter et se connecter.
Créer du lien
entre les marseillais et vers les marseillais grâce à un récit collectif.
“Marseille ? qu’est-ce que tu veux dire sur Marseille ?
Marseille ça se vit, ça ne se raconte pas !
Marseille ça se découvre.
Il faut gratter un petit peu pour voir les gens,
les rencontrer.”
C’est ce que nous a dit Marc, mécano à la SNCM et enfant du Panier, quartier populaire et historique marseillais.
Avec cette simple phrase, il pose la question qui nous anime depuis longtemps, celle du territoire et du sensible, de la porosité entre un lieu et son patrimoine vivant – les histoires qui l’habitent.
Comment raconter les émotions d’une ville, les récits intimes qui en batissent une perception subjective ? Nous tentons de répondre à cette question avec ce projet, de traduire cette porosité à la fois dans notre méthodologie de travail, dans les récits collectés et délivrés, et dans le dispositif interactif.
Nous nous sommes attachés à trouver une porte d’entrée qui permette de faire le premier pas, le déclencheur, celui qui fait qu’on ne compte plus les suivants.
Nous avons pensé un contenu qui puisse alimenter les deux modes de consultation – à distance et in-situ – tout en conservant à chacun sa particularité. L’un ne veut pas imiter l’autre. Les deux expériences sont différentes mais traduisent à leur façon la sensibilité du territoire.
Nous éspérons ainsi faire vivre Marseille et donner à voir cette ville de l’intérieur, à travers ses habitants. Pour aller à leur rencontre, et découvrir ce qu’il reste de la mythologie marseillaise.
Pour apporter un éclairage nouveau sur Marseille et les Marseillais, et contribuer à les rapprocher en montrant comment les histoires individuelles forment un récit commun.
Nicolas Dupont & Rémi Laurichesse